Extrait du projet des Ecologistes – MEI : « Pour être complètement crédible dans son engagement en faveur d’un monde équitable, la France doit solder son histoire coloniale, autant en ce qui concerne le regard qu’elle porte sur ce passé que dans les relations qu’elle entretient avec l’Afrique ».
Pour illustrer ces propos, voici quelques extraits du dernier livre d’Eva JOLY, « La force qui nous manque ». Eloquent !
Lorsque je voyage en Afrique, je n’entends que ressentiment et plainte vis-à-vis de la France. Où que j’aille je bute sur l’histoire coloniale. Elle est partout dans le paysage africain.
(Durant l’instruction de l’affaire Elf) Nous avions dessiné un vaste schéma, que j’ai toujours avec moi. Il fait huit mètres une fois déplié. Il serpente depuis le bureau d’un directeur des hydrocarbures d’Elf, jusqu’à des comptes obscurs alimentés par le Gabon, aux mains d’Omar Bongo (…) les tyrans sont des amis, que la France a placés au pouvoir et dont elle protège la fortune et l’influence par de vastes réseaux de corruption ; en échange ils veillent sur les intérêts et les ressources des entreprises françaises venues creuser le sol. Tout ce beau monde a intérêt à ce que rien, jamais, ne stimule ni les institutions ni l’économie des pays. (…)
Si les habitants de Libreville n’ont pas bénéficié de la richesse de leur pays, c’est parce que la France s’est accaparé ses ressources minières, avec la complicité d’un président, enrôlé dès son service militaire par l’armée française et ses services secrets, placé à la tête du pays à 32 ans par Paris. (…) De Roland Dumas, le président gabonais dit qu’il est « son ami intime ». Prévoyant, il apprécie aussi Nicolas Sarkozy, venu « prendre conseil » en tant que candidat à l’élection présidentielle. Lorsque au cours de l’instruction, nous avons perquisitionné au siège de la Fiba, la banque franco-gabonaise, nous avons consulté le listing des clients (…). C’était une sorte de Who’s Who de la France en Afrique, qui en disait long sur l’envers de la République et des médias.
A ceux qui croient encore à l’aide désintéressée de la France en Afrique, il suffit de consulter les chiffres du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement). La corrélation est régulière entre le montant de l’aide française et la richesse en matières premières. En clair, celui qui n’a rien dans son sous-sol ne doit pas attendre grand-chose de Paris…
(…)
Les perquisitions dans la tour Elf à la Défense livraient une moisson de documents révélant la confusion des genres, nous les transmettions au parquet de Nanterre, qui se gardait bien d’ouvrir des enquêtes. Car Elf hier, Total aujourd’hui, est un Etat dans l’Etat, conçu par Pierre Guillaumat un ancien ministre de la Défense, patron des services secrets et responsable du programme nucléaire français afin de servir les intérêts géopolitiques de Paris. (…) la France se sert d’Elf-Total pour affirmer sa puissance. La compagnie intervient dans le golf de Guinée, au Nigeria, au Congo-Brazzaville, en Angola… Tous ces pays ont connu la guerre civile et la dictature, derrière laquelle la main française s’est fait sentir. Le chaos, lorsqu’il se produit, ne trouble pas le système. Il n’est qu’à voir l’Angola, en guerre pendant des dizaines d’années, mais dont aucune goutte de pétrole, jamais, n’a raté sa destination.
(…)
La France reste un empire et ne se remet pas de sa puissance perdue. L’indépendance politique a été largement une mascarade en Afrique de l’Ouest. L’Occident a fermé les yeux, car la France se prévalait d’être le « gendarme » qu défendait la moitié du continent contre le communisme. Les Français ont laissé faire, car, astucieusement, de Gaulle et ses successeurs ont présenté leur action comme un rempart contre l’hydre américaine. Elf était l’une des pièces maîtresses de cette partie géopolitique. (…) Là-bas, c’est normal la captation des richesses naturelles. (…) Jeune ou vieux, de gauche ou de droite, nul Français ne songe à s’offusquer de voir nos soldats mener, presque chaque année, une opération militaire en Afrique, au Tchad, en Côte d’Ivoire, au Rwanda, quand tous se gaussent de cette Amérique venue faire la police en Irak, en maquillant d’un fard démocratique les intérêts géopolitiques et pétroliers de Washington.
(Concernant la guerre du Biafra)
La télévision française aimait alors montrer les enfants affamés que les militaires français ramenaient par avion pour les soigner, jamais elle ne laissait voir la cargaison de l’aller, remplie d’armes… (…) Pas un mot, pas une ligne dans les livres d’histoire.
Des drames comme celui-ci, l’Afrique en contient des dizaines, soigneusement passés sous silence. Les massacres de Bamiléké au Cameroun par la France du général de Gaulle, le génocide des tutsis commis par un régime soutenu par François Mitterand, les assassinats d’opposants, les manipulations d’élection…
(…)
Qui osera un jour rendre au Nigeria, au Cameroun, au Gabon, au Congo-Brazzaville ce que la France leur doit ? Qui contestera les contrats conclus par Areva pour l’uranium du Niger ou ceux des mines d’or de Sadiola au Mali, deux pays parmi les plus pauvres du globe, qui ne touchent qu’une part dérisoire des richesses prélevées dans leur sol ? La République a contracté une dette qu’il lui faudra bien honorer. Notre prospérité est nourrie de richesses que nous détournons.